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La vie où l’on court: 

                   Chapitre 4:

 

Ils venaient de faire à peine 70 km et Raoul présentait déjà quelques signes de faiblesse. C’était normal au vu des quelques heures de sommeil qu’il s’était octroyés qui de plus furent agitées. 

Jorge, l’ami de toujours de Raoul, était venu le chercher chez lui à 4 heures du matin pour partir en vacances. Depuis qu’ils se connaissaient, Raoul était allé avec lui plusieurs fois en vacances au Portugal . Jorge était portugais et bien que de caractères différents leur amitié n’avaient jamais connu de creux. Raoul était littéraire,contemplatif, angoissé, Jorge avait des réponses simples à des questions complexes et c’est ce qu'appréciait Raoul. Jorge ne théorisait rien, il agissait. Ainsi il avait été présent dans tous les coups durs que Raoul avait dû affronter alors que d’autres personnes qui tenaient des discours d’entraide et de générosité avaient fui ou en tout cas avaient brillé par leur absence.  

Ils venaient de dépasser Quimper à bord de l’Audi Q7, son ami aimait les gros cylindrés, et la musique d’Ana Malhoa remplissait l’habitacle de la voiture. Autant Raoul savait apprécier les aspects un peu rugueux de son ami, autant il n’avait jamais supporter ses goûts musicaux et là il trouvait qu’il frappait encore  plus fort que d’habitude en traduisant le refrain de la chanson et en chantant à tue tête “Je me sens sexy” . Au Portugal, à côté du fado qu’appréciait Raoul et une belle scène Jazz, existe une musique “Popular” ou appelée aussi légère qui effectivement est très légère dans les textes, dans la musique et production... 

Raoul s’endort malgré la musique. Il se réveille près de Nantes, alors que Jorge venait de garer la voiture dans la station service qui était comme à chaque fois leur premier arrêt. A chaque voyage les arrêts étaient faits aux mêmes endroits, les anecdotes aussi étaient les mêmes. Les deux amis appréciaient ce rituel qui leur permettait d’entrer progressivement dans leurs vacances. Pour Jorge c’était une replongée dans ses racines et pour Raoul un lieu de dépaysement privilégié dont il avait les codes au vu des nombreux séjours qu’il avait fait. 

Raoul prit le volant. Il demanda à son ami des nouvelles de sa famille pour savoir essentiellement avec qui Jorge était fâché cette année. Ils étaient sept frères et sœurs et tous plus ou moins fâchés. Jorge racontait à chaque fois les raisons des disputes, qui étaient souvent une affaire de détails, en finissant invariablement par un “ tu comprends”. En fait non il ne comprenait pas mais soutenait le contraire à son ami

Jorge prit un moment la parole et en riant dit à son collègue

“-Alors raconte ta soirée

- oh c’était bien, c’était très bien mais c’est compliqué 

- Qu’est-ce qui est compliqué, tu es un homme, elle, une femme ça s’emboite, non! dit Jorge en riant 

- J’ai envie mais j’ai peur de recommencer, j’ai déjà vécu ça!

- Qu’est-ce que tu as déjà vécu ?

- Tu te rappelles de Coline 

- Oui je l’aimais beaucoup quand je mangeais avec vous elle me faisait toujours du bacalhau ( morue, durant le voyage jorge s’amusait à mélanger les mots portugais et français. C’était un jeu auquel il jouait à chaque fois, qui avait été initié avec ses enfants  qui pour la première fois ne l’ accompagnait pas cette année), c’était super bon, ah si je rencontre une morue aussi bonne en vacances je “l’épouche” dit-il avec l’accent portugais, content de sa blague! 

- oui tu connais l’histoire! aimer une femme avec un enfant, le coucher, lui lire des histoires, lui apprendre à marcher et du jour au lendemain ne plus avoir droit d’avoir des nouvelles, un enfant qui ne me reconnaîtrait  pas… Je ne veux plus de ça! Et puis socialement aussi c'est compliqué!

- Ah il n’y a pas de garantie décennale dans un couple, c’est ce qui me sauve comme ça je peux en aimer plusieurs en même temps. Ne pense pas à demain mon ami, vis! le bonheur se vit sans recettes , c’est triste de vivre avec des règles… Moi, ma seule limite c’est qu’elles aiment ma mère, le bacalhau et le F.C Porto.... Raconte tu lui as fait l’amorrrre?

-On a beaucoup parlé, elle est bien et vu que tu te fous de moi, je te dirai rien...

Jorge ne réponds pas, il sait que son ami aura besoin de se confier et lui racontera plus tard au moment qu'il lui semblera opportun.

Ils arrivent à Valpaços en fin d'après-midi, c’est une ville située au nord-est du Portugal à 32 km de l’Espagne. Ils vont séjourner chez la mère de Jorge qui est veuve. Raoul mange une grappe de raisin et va courir 1h 20mn avant que le soleil se couche, il a déjà ses circuits, sais où il y a des chiens dans les jardins qui aboieront sur son passage, sait où il risque de croiser des gens qui le connaissent. La ville est à 400 mètres d’altitude, les trottoirs sont à une hauteur phénoménale, le terrain vallonné ce qui fait que s'entraîner ici lui a toujours paru difficile. 

En arrivant l’apéritif l’attendait ainsi que le plat de morue.

La nuit a été agitée, il a dû descendre deux fois pour boire du jus de fruit car il s’est retrouvé en hypoglycémie. La nuit les hypoglycémies restent fréquentes alors qu’il limite de plus en plus l’apport d’insuline.

 Il a espéré un message en retour du sien qui disait qu’il était bien arrivé mais il n’en a pas reçu.

Le matin Raoul se lève toujours avant son ami. La mère de celui-ci insiste à chaque fois pour lui préparer quelque chose pour le petit déjeuner. Il n’ose pas dire non et se retrouve à manger des saucisses grillés, spécialités de la région… Il voulait courir tôt le matin avant qu’il ne fasse trop chaud mais le petit déjeuner trop copieux l’oblige à attendre. Il démarre son entraînement à  10 heures et au début il vole, se disant que l'entraînement et ses 50 KM hebdomadaires commence déjà à produire leur effets et qu’aucune pensée ne le dévie de son objectif mais au bout d’une heure la température extérieure monte, sa glycémie baisse et les jambes deviennent lourdes. Son début de course était à 5mn 15 du Km. Il finit à 5mn 45 péniblement. 

A midi l’apéro est trop tentant, ainsi que le soir...Il sait que ce ne sera pas l'affaire d'un soir, il a perçu ses douleurs et avait envie de les apaiser. Mais voilà est-il capable de revivre une vie... Il laisse le portable dans la chambre. C'est peut-être mieux ainsi!..

Un vent, un grand vent  nouveau

soufflait sur le pays très chaudement 

 

… Un monde nouveau, on en rêvait tous 

Mais que savions-nous faire de nos mains?

 

...Le monde, le monde de demain 

on le bégayait tous sans n’y comprendre rien 

à la loi nouvelle des éléments 

Qui nous foutait la frousse...

                       (Feu Chatterton, un monde nouveau)

 

lepoetedusiecle

 

 

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