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3 avril : Marathon de Paris
Six heures du matin, je descends au rez-de-chaussée de l'hôtel et me dirige vers la salle où est servi le petit déjeuner. Au moment où j'arrive devant la porte, celle-ci s’ouvre accompagnée du sursaut de l’employée surprise de me voir aussi tôt. Rien n’est encore prêt! Évidemment  à six heures un dimanche matin, personne n’est debout ! L'hôtel est loin du départ du marathon de Paris, aucun coureur n’a réservé ici… Je devais dormir chez ma fille mais elle a la covid, alors j’ai pris une chambre pas loin de chez elle et loin de la course…
C’est souvent que rien ne se passe comme prévu !  
L’employée de l’hôtel disparaît, il y a quelques malheureux croissants rassis à manger. C’est loin d’être idéal mais qu’importe je suis un “killer” un “runner killer''. ça existe ça comme expression ? Pas sûr! Remarque, Patrick Hernandez a fait sa carrière sur une expression qui n’existe pas en anglais “Born to be alive”. Je suis bien vivant , un peu endormi mais vivant. Oh non je n’aurais pas dû penser à ça, voilà que la chanson de Céline Dion vient résonner dans mon crâne “I’m Alive” il est vrai que ces derniers jours je l’avais mis dans ma playlist de Running. Il faut bien une chanson honteuse par playlist…
Deux grands cafés, deux croissants, compote, yaourt et un morceau de pain qui en tant que diabétique me fait exploser la glycémie. Ce n’est pas tout à fait ma routine” before marathon” mais bon j’ai ce qu'il faut  pour remplacer dans mon sac,  je mangerai dans le métro…
Me voilà assis dans la rame, au bout de quelques stations, les coureurs arrivent ainsi que les personnes qui ont fait la fête toute la nuit…mélange paradoxal mais non explosif. Il y a d’un côté ceux qui ne sont pas complètement réveillés et de l’autre ceux qui sont trop fatigués. 
A quelques sièges de moi, une jeune fille et un homme plus âgé, son père certainement, sont assis. Ils sont en tenue de sport. Ils ont tous les deux un dossard, je trouve la fille un peu jeune pour courir le marathon, mais quel bonheur de partager ce moment, je les envie ! Elle pose la tête sur l’épaule du père, volant quelques instants de repos , quelques instants de tendresse, quelques instants de “ C’est mon Papa, mon héros, l’épaule sur lequel je pourrai toujours me reposer”… Qu’il est bon d’accompagner ces enfants, de se rejoindre dans une aventure qui pourrait sembler futile si on ne voyait pas cette tête posée sur une épaule.
Je crois que je regardais la télévision avec mes enfants uniquement pour donner la possibilité à ma fille de poser sa tête sur mon épaule. En tant que père, moi aussi je me sentais alors  invincible. 
Comme mes enfants sont loin à présent, après la dernière panne je n’ai pas racheté de télévision…Nous apprenons à marcher à nos enfants, ils apprennent à courir par eux-mêmes, parfois trop vite, trop loin. Heureusement certains jours ils se rappellent à notre souvenir par une légère pression sur notre épaule.
Nous descendons du métro et nous nous dirigeons vers le point de départ, un SDF dort sur un matelas de fortune, il semble paisible…Nous passons à ses côtés en faisant moins de bruit. J’ai un peu honte! Tout cet argent dépensé et non distribué à ceux qui en ont besoin…
 Quel président avait dit “plus un SDF dans la rue ?”  Je suis sûr qu’il n’a pas honte lui, Il devrait ! Dans une semaine, ce sera le premier tour des présidentielles. Les classes populaires voteront certainement pour les populistes qui leur proposent des boucs émissaires. ça me fait peur!
Les organisateurs font partir les coureurs par vague pour éviter la cohue aux ravitaillements. Je pars bien plus tard qu'à l’heure prévue mais dès les premiers pas, le bonheur est là… Je n’ai pas d’objectif de temps, juste du plaisir à prendre en espérant qu’il sera là tout le long!
En dehors de ma fille, un de mes oncles devait venir! Je l’ai appelé, pas de réponse ni de rappel de sa part. Tant pis pour lui!  Ma première partenaire de salsa m’a envoyé un message hier soir, elle ne savait pas que j’étais à Paris. Plusieurs fois elle m’a redonné signe de vie à des moments où j’avais un besoin impérieux qu’on me dise que la vie n’était pas vaine. Je ne lui ai jamais dit, bien au contraire, j’ai toujours joué la carte de l’humour et de l’assurance. Malgré la différence d'âge nous avons failli puis finalement pas. Je pense que pour elle comme pour moi d’avoir failli est suffisant. Doit-on vivre toutes les histoires pour les rendre vraies ?
Pour l’instant c’est ces pavés qui sont vrais. Quand ce ne sont pas des pavés, c’est le goudron qui est défoncé. Je slalome depuis le début pour dépasser les coureurs. Il y a quelque chose qui ne va pas, je me dis il y a quelque chose qui ne va pas! 
J’aime le marathon car l’esprit peut s’évader mais là entre le nombre de participants, les pavés, les plots qui forment des obstacles, c’est impossible… J’arrête pas de me dire “ il faut que je m’hypnose” en me disant ce n’est pas comme ça qu’on dit mais je suis incapable de trouver la bonne formule, la bonne conjugaison… Il faut que je m’hypnose autrement cela me paraîtra long, trop long. Heureusement il y a les pancartes qui me distraient:
COURIR PLUS POUR MANGER PLUS
TU POURRAS RAJOUTER MARATHONIEN A TON PROFIL TINDER
PENSES A LA BIERE QUE TU VAS BOIRE
PAPA T’ES MON HEROS
MAMAN T’ES LA PLUS FORTE
MAMIE EST DEVANT, DEPECHE TOI

…………
Si vous saviez le bien que ça fait ces pancartes. Merci, Merci!
Il faut que je m’hypnose pour ne pas voir les kilomètres … Mais chaque kilomètre est vécu dans son intégralité. Je n’en peux plus, je n’ai plus envie! Heureusement que la fin de course arrive, elle arrive, j’en n’en suis plus sûr ! Je marche lors des deux derniers ravitaillement. Les bénévoles me voyant désespéré, voyant mon nom sur le dossard crient “Allez Jorge”. Je repars, merci, merci! Il ne me reste que deux kilomètres, je vois encore des arbres, quoi la planète est sauvée mais non, ce n’est pas possible! ce n’est pas ça les Champs-Elysées, jamais je n’y arriverai ! je ne regarde plus mon chrono depuis longtemps, je m’en fous du temps, je veux mon tee-shirt de Finisher et qu'on m'enterre avec, c’est tout !
La foule est là, l’arrivée aussi. merci, merci. Je franchis l’arrivée en pleurs, plusieurs coureurs me tapent sur l’épaule pour me réconforter. Merci, merci… I'm Alive
Je récupère mon sac , je regarde mon portable. Plusieurs messages: deux cousins, ma première partenaire de salsa, les conducteurs de travaux avec qui je travaille, une discussion sur WhatsApp de ma famille pendant  la course. un rendez -vous que j’ai eu par les réseaux sociaux... Comme c’est gentil, Merci, merci!

Si j’avais eu ces messages pendant la course, mon record qui est à 40 secondes de mon temps  d'aujourd’hui aurait certainement été battu…
 Qu’importe, l’essentiel est ailleurs !...
Rien N’est Vain quand il existe encore une raison de se battre, d’aimer, de vivre… De Courir aussi
 

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