Réveil matinal, après ma première nuit de retour de l’hôpital ! Pressé de vivre à nouveau intensément les heures qui ont été si longues ces derniers jours. Je ne suis pas en danger, la mort attendra. Juste mon corps qui me dit que je ne suis pas parfait, déjà que mon esprit me l'avait aussi dit... C'est ainsi à la fuite d'un amour ou au résultat d'une analyse sanguine, on se dit que quelque chose déraille.
Je mets la musique, prépare le café, le petit déjeuner... Je refais les mêmes gestes d'une vie que j'ai quitté pendant une semaine.
Je cherche sur Deezer la chanson qui m'a hantée ces derniers jours à cause certainement du regard inquiet de mes enfants. C'est une chanson de Sarclo, chanteur suisse inconnu que j'ai entendu deux fois en tout et pour tout à la radio en 35 ans et dont les paroles me demeurent essentiels.
... Je pensais pas que j'aimais mon papa
Au point d'écrire une chanson tendre
Pour lui dire que ça peut attendre
Qu'il peut partir une autre fois
Je pensais pas que j'aimais mon papa
Au point d'aimer les ambulances
Les infirmières et les silences
De nos visites faites à mi-voix...
(SARCLO, mon papa)
Il y a déjà de ça de nombreuses années mon papa était à l'hôpital où fatigué de lutter il a rendu les armes tout seul durant UNE nuit ! Debout, devant la fenêtre alors que j'espère les premières lueurs de l'aube, je pense à la phrase qu'il me répétait à chaque visite : « C'est quand on est à l'hôpital où en prison qu'on voit qui sont ses vrais amis » Mon père n'était pas un gangster! Ah Si mon papa avait été un bandit, peut-être qu'aujourd'hui, il serait emprisonné et je pourrai ainsi encore parler avec lui, je l' engueulerai, nous nous serions expliqués, je l'aurai guéri de ses mauvaises pulsions. Peut-être qu'il pleurerai à son tour ...
"C'est quand on est à l'hôpital où en prison qu'on voit qui sont ses vrais amis" J'aurai aimé continuer à ignorer la réponse à cette question.
Manha, que bonita manha
(matinée, quelle belle matinée)
Devant ce soleil d'hiver qui commence son ascension, je revois l'enfant à la fin du film « orfeu negro » qui prend la guitare du héros décédé persuadé qu'il faut qu'il chante à sa place pour que le soleil se lève...
Je vais chanter pour moi aujourd'hui, peut-être qu'effectivement c'est un nouveau jour qui se lèvera, que cette maladie dont on ne meurt pas, pas tout de suite ou même pas du tout me redonnera le goût du combat, de la parole car jusqu'à mon dernier souffle je militerai pour que tout le monde quel qu'il soit, d'où qu'il vienne ait des visites à l'hôpital, ait le droit de soin et de compassion ...
L'odeur du café a envahi la cuisine, je me dirige vers la cafetière mais avant
index glycémique,
piqure d'insuline
Le cd « Paradis » de Ben Mazué sur la platine et je chante à l'unisson la première chanson
Est-ce que j'arrive, est-ce que j'arriverai pas
A écrire ce que nous sommes, nous sommes
les ruines du plus beau combat …
les chansons s’enchaînent, les pensées défilent au son des notes
… Rien n'a changé pourtant tout est bien mieux
Rien n'a changé seulement c'est le temps des jours heureux, des jours heureux
Tout à l'heure j'accepterai que tout soit mortel : les corps et les sentiments... J'irai courir tout à l'heure, j'irai vivre tout à l'heure... Tout à l'heure...
lepoetedusiècle